Depuis le temps qu’ils ajustent leurs réflexes, au sein du MegaOctet ou en trio, Andy Emler (piano), Claude Tchamitchian (contrebasse) et Éric Échampard (batterie) en sont venus à former un même corps. Un corps traversé de réseaux, de battements, d’affolements cellulaires, de coups de sang et d’accidents. Chaque composition de ce quatrième album à trois forme ainsi une petite totalité, comme une unité palpitant d’une vie bourdonnante qui lui est propre tout en demeurant reliée à l’organisme général. Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit, d’une métaphore, mais de la nature même de cette musique tour à tour énigmatique, exaltante, épique ou opaque. Andy Emler compose en architecte, selon des dynamiques de continuums, de spirales ou d’escaliers extrêmement précises. Accepter d’être balancé en tous sens, jusqu’à l’égarement peut-être, d’épouser les mouvements de hauteur et de profondeur imposés par les musiciens est sans doute nécessaire pour bien apprécier leur propos. Mais le plus admirable demeure l’aisance avec laquelle une musique aussi complexe s’offre sans jamais céder à l’agressivité ou à l’intellectualisme. Quand il semble si facile d’aimer une musique qui ne l’est pas, plus rien à redire : le but est atteint.
– Louis-Julien Nicolaou