Neuvième disque d’Andy Emler avec son MegaOctet (si on met de côté Présences d’esprits avec l’ensemble Archimusic et un live sorti dernièrement) en plus de vingt ans d’existence : une longévité qui force le respect, d’autant que l’orchestre conserve sa cohérence. De fait, la distribution est inchangée pour ce nouveau répertoire et le guitariste Nguyen Lê, qui était de l’aventure du tout premier enregistrement, revient même poser sa guitare sur un titre. Chacun est donc au fait du rôle qui lui est assigné et le tient avec vigueur.
S’appuyant toujours sur une section rythmique groovante qui constitue sa base solide, la formation déploie un son compact et souple qui lui permet les acrobaties qui font sa marque de fabrique. Sans surprise, l’auditeur est entraîné sur des montagnes russes aux accélérations changeantes, même si cette force de frappe s’agence différemment ici.
Une plus grande place est accordée aux performances solistes (la trompette en sourdine de Laurent Blondiau ou la contrebasse de Claude Tchamitchian) qui bénéficient d’un espace dont le MegaOctet n’était pas coutumier jusqu’ici. S’effaçant pour mieux les laisser s’exprimer, la formation joue de la nuance avec une retenue délicate qui évoque le grand classicisme orchestral et invite à découvrir un caractère modéré, toujours élégant mais plus policé.
C’est cependant dans les pistes les plus alambiquées qu’on prend plaisir à plonger. Sur « Just a Beginning », les différentes voix s’entremêlent avec virtuosité, se répondant en échos parsemés de ponctuations rythmiques ; lorsque le long solo flamboyant de Nguyen Lê vient s’imbriquer au sein de cette machinerie complexe au point que chaque élément tend de manière indissociable vers la même efficacité jubilatoire, l’orchestre confirme une nouvelle fois sa place parmi les meilleures formations du moment.
-Nicolas Dourlhès