Vous vous êtes rencontrés suite à une commande du festival Présences / Radio France : pour quelle raison avez-vous eu envie de poursuivre l'expérience ?
ANDY EMLER Cette 1ère rencontre au festival Présence s’est très bien passée. J’avais déjà entendu parler de ce fameux tandem en bien. Personnellement je sortais d’expériences troublantes avec des musiciens qui ne voulaient pas travailler ou peu et qui étaient rarement ponctuels aux quelques répétitions voire absents… Après la rencontre avec Claude et Eric ce fut pour moi une évidence de faire un bout de chemin ensemble : volonté de travail, sérieux, envie de progresser… Claude, par exemple, habitait Marseille et faisait des allers-retours à Paris juste pour répéter ! Génialissime non ? Et puis il nous préparait des repas somptueux en fin de journée. Il cuisine très bien !
CLAUDE TCHAMITCHIAN La rencontre avec Andy fait partie de ces rares moments où tout paraît évident. Même si nous étions loin de la maturité d’aujourd’hui, la musique et surtout le potentiel de découvertes et d’imaginaires étaient là. Je pense que nous l’avons senti tous les 3 et, en plus de la rencontre humaine, cela nous a donné envie de continuer l’aventure et de construire un univers commun.
ÉRIC ÉCHAMPARD Comme dans beaucoup de parcours artistiques, la chance d’être convié à une nouvelle aventure s’est présentée à Claude et moi. Nous avions déjà tous les deux presque 10 ans d’expérience ensemble depuis le quintet de Jacques Di Donato créé en 1991. Andy ayant une très belle histoire musicale, nous avons sauté sur cette proposition. Pour être juste, cette création Présence en collaboration avec Denis Badault s’est visiblement bien passée, car Andy nous a rappelé en 2001 pour rejoindre l ‘équipe du Mégaoctet qui existait déjà depuis 1989. Nous avons collectivement, en 2003, poussé Andy à la création d’ETE, afin de le mettre plus en valeur en tant que pianiste-soliste. Il était plutôt, pianistiquement, très au service des solistes dans le Mégaoctet.
Avez-vous des références de trios piano/contrebasse/batterie qui vous guident dans votre façon d'aborder cette formule ?
AE Perso j’y connais pas grand chose en jazz alors… non!
CT Evidemment nous avons tous des références de trio piano/basse/batterie. En ce qui me concerne « Money jungle » (Duke Ellington/Charlie Mingus/Max Roach), les sessions du trio de Bill Evans au Village Vanguard ou les trios de Gerry Allen avec Charlie Haden et Paul Motian sont des points de repères personnels assez présents mais je pense qu’avec la culture et le background qui nous étaient propres, nous avons assez naturellement décidé d’essayer de trouver une musique qui nous ressemble sans forcément avoir une influence revendiquée.
EE Je garde toujours en tête l’inspiration que m’a donnée, dès sa découverte dans les années 90, le batteur Joey Baron. J’ai été notamment fasciné par son timbre et son discours dans le trio d’Enrico Perranunzi avec Marc Johnson. Le disque Deep Down par exemple, où Joey a ce superbe son de batterie « rock », voir « heavy », et un jeu si fin et à propos, car ce projet est avant tout la continuité de l’expression de Bill Evans.
Comment ne pas tomber dans une routine de vieux couple (trouple !) après 25 de vie commune ?
AE Ahaha ! Si nous faisions 250 concerts par an, peut être qu’au bout de 25 ans nous aurions des problèmes de vieux trouple… C’est loin d’être le cas donc aucun risque. Ceci dit, les Rolling Stones jouent toujours ensemble après 60 années.
CT Ce serait comme demander comment ne pas s’ennuyer après 40 ans de musique. Nous avons tous les trois la chance d’être plongés dans un monde où, que l’on soit leader ou initiateur de projet, en permanence le questionnement de soi et la sollicitation de l’imaginaire sont sollicités. Je suis persuadé que l’énergie génère de l’énergie. Jamais, ensemble ou séparément, nous ne nous sommes laissés aller à une quelconque routine. Et quand l’imaginaire se trouve boosté par le fait qu’on reste tout aussi partant qu’au premier jour, avec la chance d’avoir avec Andy une incroyable et constante invention d’écriture, non seulement cette fameuse routine est bannie mais l’intensité artistique ne fait que croître !
EE Au-delà de nos correctes aptitudes instrumentales, aurions-nous quelques bonnes qualités humaines qui nous permettent une durabilité pour la vie en collectif !
Vous avez pas mal tournés ensemble : un souvenir particulier ou une anecdote ?
AE Il y aurait un livre de la taille d’une encyclopédie pour raconter toutes les anecdotes de ces années à jouer ensemble… Comme un soir à Vilnius, je crois, ou Eric nous annonce qu’il va être papa pour la 1ère fois nous avons célébré très tardivement.
CT Un concert « Dantesque » à l’extrême Est de la Finlande, à côté de la frontière avec la Russie où le piano avait les chevilles qui lâchait, la batterie était un repère de souris et la basse totalement injouable. Le tout devant un public digne de L’espion qui venait du froid ! Heureusement que nous sommes soudés…
EE Trop…(désolé)
Nouveau disque, nouveau répertoire : comment abordez-vous cette nouvelle aventure ?
AE Après 4 opus on est comme au 1er jour. Le chemin à parcourir pour être satisfait est toujours long et interminable, donc hâte que cela commence… J’ai déjà le trac ! Mais une grande confiance dans ce petit combo !
CT Comme d’habitude, avec un maximum de joie et de fébrilité !
EE Une fois de plus, avec la grande fierté d’en avoir l’opportunité… Après 20 ans !